Actu-tendance n° 586

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : Aux termes de l’article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat écrit par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
L’employeur est-il tenu, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, de conclure une transaction avec tous les salariés placés dans une même situation ?

Cass. soc., 12 mai 2021, n° 20-10.796, 20-10.797, 20-10.798, 20-10.799, 20-10.800

Dans cette affaire, une entreprise a procédé à des licenciements économiques dans le cadre d’un PSE prévoyant :

  • une indemnité supra conventionnelle pour les salariés :
    • quittant l’entreprise dans le cadre du plan de départ volontaire externe,
    • dont le poste était supprimé et avait accepté un poste de remplacement en interne,
    • dont le poste était supprimé et dont le licenciement ne pouvait être évité, qui ont été transférés au repreneur ;
  • une indemnité exceptionnelle versée pour une durée de 12 mois afin de compenser la perte des primes de nuit pour les salariés ayant accepté, à la suite de la suppression d’une équipe de nuit, le passage d’une équipe de nuit à une équipe de jour.

Plusieurs salariés de l’ancienne équipe de nuit ayant accepté un poste de jour ont revendiqué le paiement de l’indemnité supra conventionnelle ; ils ont perçu à ce titre une indemnité transactionnelle.

D’autres salariés, ayant également accepté le passage de l’équipe de nuit à l’équipe de jour, ont tenté d’obtenir cette indemnité mais l’employeur leur a opposé un refus.

Ils ont saisi le CPH pour solliciter le paiement de l’indemnité supra conventionnelle ou d’une indemnité d’un montant équivalent à titre de dommages-intérêts en invoquant une inégalité de traitement.

La Cour d’appel a fait droit à leur demande et a condamné l’employeur à payer à chaque salarié une somme au titre de leur préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement.

Les juges estimaient que l’employeur aurait dû proposer à ces salariés de conclure une transaction, comme il l’avait fait pour les autres salariés, dans la mesure où ils se trouvaient dans une situation équivalente (même ancienneté, poste similaire, modification du contrat de travail).

Contestant cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation faisant valoir que le principe d’égalité de traitement ne s’appliquait pas dans le cadre d’une transaction.

En effet, selon lui, le principe d’égalité de traitement ne s’appliquait qu’aux avantages que l’employeur accorde aux salariés. Or, la conclusion d’une transaction, qui supposait la renonciation du salarié à agir en justice, ne constituait pas un avantage pour le salarié, peu important le paiement d’une indemnité transactionnelle.

La Cour de cassation suit le raisonnement de l’employeur et casse l’arrêt d’appel sur le fondement de l’article 2044 du Code civil et sur le principe d’égalité de traitement.

La Cour de cassation considère qu’« un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés pour terminer une contestation ou prévenir une contestation à naître ».

Il en résulte que l’action des salariés n’était pas recevable.

Note : La Cour de cassation a déjà jugé que le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par un salarié pour remettre en cause les droits et avantages d’une transaction ayant autorité de la chose jugée et dont il ne conteste pas la validité (Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 10-21.119).

Jurisprudence – Relations collectives

Rappel : Un employeur ou un syndicat peut contester la régularité des élections dans le délai de 15 jours suivant cette élection en saisissant le Tribunal judiciaire par voie de requête (art. R. 2314-24 du Code du travail).  
Cette contestation peut-elle intervenir avant le déroulement des élections en même temps que la contestation du protocole d’accord préélectoral (PAP) ?

Cass. soc., 12 mai 2021, n° 19-23.428

Dans cette affaire, une entreprise a organisé les élections professionnelles en vue de la mise en place du CSE.

Un syndicat a saisi le 13 mai 2019 le Tribunal d’instance (devenu le Tribunal judiciaire) d’une demande tendant à l’annulation du PAP et du premier tour des élections.

Le tribunal a déclaré la demande d’annulation des élections irrecevable au motif que le délai pour contester la régularité de l’élection n’avait commencé à courir qu’à compter du 29 mai 2019, les élections ayant eu lieu le 28 mai 2019.

Or, le syndicat avait sollicité l’annulation de l’élection le 13 mai 2019 en même temps qu’il demandait l’annulation du PAP.

Les juges reprochaient au syndicat de ne pas avoir demandé l’annulation des élections pendant le délai de 15 jours qui courait entre le 29 mai 2019 et le 13 juin 2019.

Contestant cette décision, le syndicat s’est pourvu en cassation estimant qu’aucune disposition n’interdit de former le recours « dès que l’irrégularité est apparue, même antérieurement à l’élection ».

La Cour de cassation censure la décision du tribunal sur le fondement de l’article R. 2314-24 du Code du travail qui prévoit que « lorsque la contestation porte sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la déclaration n’est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivant cette élection ou cette désignation ».

Dès lors, celui qui saisit le tribunal « avant les élections, d’une demande d’annulation du protocole préélectoral, est recevable à demander l’annulation des élections à venir en conséquence de l’annulation du protocole préélectoral sollicitée ».

Or, en l’espèce, le syndicat a été jugé irrecevable à demander l’annulation du PAP. Dès lors, sa demande d’annulation des élections fondée sur l’irrégularité du PAP a été elle-même jugée irrecevable.

Note : Dans le même sens, la Cour de cassation a déjà jugé que le Tribunal judiciaire peut être saisi, avant l’élection, d’une contestation relative à la composition des listes de candidats et déclarer la liste électorale irrégulière, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation (Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-26.568).

Rappel : Les entreprises sont régies par des textes légaux et réglementaires (lois, décrets, ordonnances etc.), des textes conventionnels et de la jurisprudence.
Les textes conventionnels (conventions collectives nationales, accords de branche, accords d’entreprise etc.) peuvent manquer de clarté.  
Qui interprète les textes conventionnels ? Comment sont-ils interprétés ?

Cass. soc., 14 avril 2021, n° 20-16.548

Dans cette affaire, un accord collectif relatif à l’exercice syndical prévoyait :

  • pour chaque organisation syndicale représentative (OSR) la faculté de désigner jusqu’à 4 délégués syndicaux (DS) ;
  • pour les première et seconde OSR ayant « récolté le plus de voix », la possibilité de désigner respectivement deux et un DS supplémentaires.

Tous les sièges à pourvoir ayant été attribués lors du premier tour du scrutin, une OSR a désigné 5 DS en application de cet accord (4 DS et un DS supplémentaire estimant être la seconde OSR ayant obtenu le plus de voix).

L’employeur a sollicité l’annulation de ces désignations estimant que cette OSR n’était pas la seconde à avoir obtenu le plus de voix. Selon lui, pour déterminer l’OSR qui a obtenu le plus de voix, il convenait de retenir le nombre de suffrages exprimés pour chaque liste de candidats.

Au contraire, l’OSR estimait qu’il fallait retenir le nombre de voix obtenues par chacun des candidats présentés par les organisations syndicales.

La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a suivi le raisonnement de l’employeur considérant qu’une convention ou un accord collectif, s’il manque de clarté, doit être « interprété comme la loi ».

Les juges rappellent que pour interpréter un texte conventionnel qui manque de clarté, il convient :

  • d’abord de respecter la lettre du texte,
  • ensuite de tenir compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet,
  • et, en dernier recours, d’utiliser la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte.

La Cour de cassation retient en l’espèce que la faculté prévue par l’accord de désigner un ou 2 DS supplémentaires n’était ouverte qu’aux « OSR qui seules peuvent désigner des DS ».

Les juges rappellent alors qu’en vertu de l’article L. 2122-1 du Code du travail, dans l’entreprise ou l’établissement, sont représentatives les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L. 2121-1 et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.

Dès lors, le nombre de voix recueillies par les organisations syndicales à prendre en considération pour le décompte des suffrages exprimés en leur faveur est le nombre de suffrages exprimés au profit de chaque liste, sans qu’il y ait lieu, s’agissant de la mesure de la représentativité de ces organisations, de tenir compte d’éventuelles ratures de noms de candidats.

La Cour en déduit que l’ordre de classement pour l’attribution des DS supplémentaires, prévue par l’accord, s’établit selon la mesure de la représentativité des organisations syndicales ainsi définie.

Autrement dit, l’accord en l’espèce devait être interprété en ce sens :

  • Pour le calcul de la représentativité et donc pour savoir si une OS peut désigner un DS, « il n’est tenu compte que du nombre de votes émis pour une liste sans tenir compte des ratures » ;
  • Pour obtenir un DS supplémentaire, il convient de prendre en compte le nombre de voix obtenues par les listes de syndicats.

Il en résulte qu’en application de ces règles, l’OSR était la troisième OSR ayant récolté le plus de voix, de sorte qu’elle ne pouvait pas désigner un DS supplémentaire.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. ass. plén., 23 octobre 2015, n° 13-25.279 ; Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467).

Dans la note explicative de l’arrêt du 23 octobre 2015, les juges ont indiqué que la Cour de cassation assure un contrôle strict en matière d’interprétation des accords collectifs.

Législation et réglementation

En vue de la prochaine étape du déconfinement prévue le 9 juin prochain, le Ministère du Travail a transmis aux partenaires sociaux le 26 mai 2021 une nouvelle version du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise.

La version définitive devrait paraître prochainement pour être applicable à partir du 9 juin 2021.

  • Assouplissement des règles relatives au télétravail

L’évolution principale concerne l’assouplissement des règles en matière de télétravail. A compter du 9 juin prochain, le télétravail à 100% ne sera plus la règle pour les activités qui le permettent. Il reviendra aux employeurs de fixer, dans le cadre du dialogue social de proximité, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine.

Les employeurs devront veiller également au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail, ainsi qu’à la prévention des risques psychosociaux liés à l’épidémie de Covid-19.

Par ailleurs, à compter du 9 juin, les employeurs ne seront plus tenus de définir un plan d’action en vue de réduire au maximum le temps de présence sur site.

  • Maintien des réunions en audio et visioconférence

Cette nouvelle version du protocole ne permet pas un retour à une organisation du travail comme avant la crise.

L’organisation du travail doit toujours permettre de limiter le risque d’affluence, de croisement et de concentration des personnels et des clients.

C’est la raison pour laquelle, cette version du protocole privilégie toujours les réunions en audio ou en visioconférence. Lorsqu’elles se tiennent néanmoins en présentiel, les réunions doivent respecter les gestes barrières, notamment le port du masque, les mesures d’aération/ ventilation des locaux ainsi que les règles de distanciation.

  • Retour des moments de convivialité

Les salariés vont pouvoir retrouver des moments de convivialité. Le protocole ne les suspend plus. Toutefois, ils devront être organisés dans le strict respect des gestes barrières, notamment le port du masque dans les espaces clos, les mesures d’aération/ventilation ainsi que des règles de distanciation.

Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire a été définitivement adopté par le Parlement le 27 mai 2021. Il devrait être publié au JO prochainement.

En matière de droit social, le texte reprend la version adoptée par la Commission mixte paritaire le 20 mai dernier. Il prolonge jusqu’au 30 septembre 2021 certaines mesures d’urgence dérogatoires et habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance sur des sujets tels que l’activité partielle et l’APLD (Cf actu-tendance n° 585).

La loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu l’allongement de la durée du congé de reclassement à 24 mois, lorsque le salarié bénéficie d’une formation de reconversion professionnelle.

Hors cas de reconversion, la durée du congé de reclassement reste comprise entre 4 et 12 mois.

Pour rappel, le congé de reclassement est mis en place dans les entreprises d’au moins 1 000 salariés (ou qui appartiennent à un groupe atteignant cet effectif) qui envisagent des licenciements pour motif économique.

Conformément au projet de décret diffusé le 10 mars dernier, le décret du 19 mai 2021 met en œuvre cet allongement et précise les modalités de prise en compte des temps partiels pour congés familiaux dans le calcul de l’allocation de congé de reclassement.

Depuis le 22 mai 2021, en cas de formation de reconversion professionnelle, la durée du congé de reclassement peut être portée à 24 mois.

Par ailleurs, le texte reformule la partie règlementaire du Code du travail pour intégrer la jurisprudence européenne (CJUE, 8 mai 2019, Praxair MRC, C-486/18) relative à la prise en compte des temps partiels liés aux congés familiaux dans le calcul des allocations versées dans le cadre d’un congé de reclassement.

Actuellement, l’article R. 1233-32 du Code du travail prévoit que pendant la période du congé de reclassement, le salarié bénéficie d’une rémunération mensuelle calculée sur les 12 derniers mois précédant la notification du licenciement.

A compter du 1er juillet 2021, « lorsqu’au cours de ces 12 mois le salarié a exercé son emploi à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé de présence parentale ou d’un congé de solidarité familiale, il est tenu compte, pour le calcul de la rémunération brute moyenne, du salaire qui aurait été le sien s’il avait exercé son activité à temps plein sur l’ensemble de la période ».

Le décret étend cette disposition à l’allocation de conversion visée à l’article R. 5123-2 du Code du travail.

Face à l’épidémie de la Covid-19 et ses conséquences sur l’emploi, l’entrée en vigueur de la réforme de l’Assurance chômage a été repoussée à plusieurs reprises.

Un décret du 30 mars 2021 a reporté son entrée en vigueur au 1er juillet prochain en prévoyant quelques adaptations (Cf. actu-tendance n° 579). 

A partir du 1er juillet 2021, le salaire journalier de référence (SJR), qui sert de base de calcul de l’allocation chômage, sera calculé sur un revenu moyen mensuel prenant en compte les jours travaillés et les périodes d’inactivité.

Un nouveau projet de décret, transmis aux membres de la CNNCEFP le 12 mai 2021, vise à apporter un correctif aux nouvelles modalités de calcul du SJR.

Le projet de décret prévoit la reconstitution, dans le cadre du calcul du SJR, d’un salaire fictif au titre de certaines périodes de suspension du contrat de travail ou de périodes au cours desquelles le salarié perçoit une rémunération réduite (notamment périodes de congés maladie, maternité, paternité, adoption, activité partielle etc.).

Dans une note d’analyse du même jour, l’Unédic ajoute : « le mi-temps thérapeutique, le congé parental d’éducation, le congé de reclassement, le congé de proche aidant… ».

Ce principe de reconstitution de salaire se substitue au mécanisme initialement prévu de neutralisation de ces mêmes périodes dans le calcul du SJR qui, dans certains cas de figure, pouvait conduire à défavoriser les demandeurs d’emploi.

L’objectif est de retenir le salaire normal du contrat de travail se rapprochant de ce qui aurait été versé en l’absence de l’un de ces évènements.

A ce stade, ces dispositions peuvent encore évoluer. Il faut attendre la publication du décret au JO.

Note : Un arrêté du 7 mai reporte au 31 mai 2021 (au lieu du 30 avril 2021) les mesures d’urgence prises sur la période de référence d’affiliation, le délai de forclusion et sur l’assouplissement des démissions légitimes, réactivées par le décret n° 2020-1716 du 28 décembre 2020.

A la fin de chaque contrat de travail, l’employeur doit transmettre une attestation à Pôle emploi.

Pour les employeurs d’au moins 11 salariés, cette transmission se fait uniquement par voie électronique. Seuls les employeurs de moins de 11 salariés et qui ne relèvent pas de la DSN peuvent choisir de transmettre leurs attestations en version papier.

En parallèle, l’employeur doit remettre au salarié une version de cette attestation, lui permettant de faire valoir ses droits aux allocations chômage.

Dans une note diffusée le 20 mai 2021 sur le site du service public, Pôle emploi indique qu’à compter du 1er juin 2021, seules les attestations en cours de validité pourront lui être transmises.

Actuellement, les anciens modèles d’attestation étaient encore tolérés mais cela ne sera plus le cas à compter du 1er juin 2021.

Les employeurs devront transmettre l’attestation par voie dématérialisée en utilisant un modèle unique, comportant toutes les informations nécessaires au calcul des droits de leurs anciens salariés. Ce modèle est disponible sur :

  • leur logiciel de paie s’ils sont dans le périmètre de la DSN ;
  • leur espace employeur sur pole-emploi.fr accessible depuis ce service en ligne (s’ils ne sont pas dans le périmètre de la DSN).

Les employeurs ne respectant pas cette obligation risqueront de se voir adresser des réclamations de la part de leurs anciens salariés et s’exposeront à des sanctions financières pouvant s’élever jusqu’à 1500€.