Actu-tendance n° 579

Jurisprudence – Relations individuelles

Rappel : L’employeur ne peut licencier un salarié en raison de son état de santé (art. L. 1132-1 du Code du travail). Toutefois, la jurisprudence admet le licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Ce salarié ne peut être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié (Cass. ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-43.334). Cet engagement doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci. Mais quel est ce délai raisonnable ?

Cass. Soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188

Dans cette affaire, la directrice d’une association a été licenciée en mars 2013 au motif que son absence prolongée pour maladie perturbait le fonctionnement de l’entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif.

Son remplacement est intervenu 6 mois après son licenciement. La salariée a alors saisi la juridiction prud’homale pour voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse estimant que son remplacement était intervenu tardivement.

La Cour d’appel a rejeté sa demande après avoir relevé que l’employeur avait effectué des démarches en vue d’un recrutement immédiatement après son licenciement.

En l’espèce, la procédure de recrutement s’est déroulée comme suit :

  • la salariée a été licenciée en mars 2013 ;
  • une offre d’emploi a été déposée en avril 2013,
  • les candidatures ont été reçues à compter du 9 avril 2013,
  • les entretiens se sont tenus jusqu’en juillet 2013 ;
  • la prise de fonction était prévue pour septembre 2013.

Les juges d’appel ont estimé qu’au regard de l’importance du poste de directeur, le remplacement était intervenu dans un délai raisonnable.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation confirme cette décision en rappelant que le délai de remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié est apprécié souverainement par les juges du fond « en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement ».

En l’espèce, la Cour d’appel a « tenu compte des démarches immédiatement engagées par l’employeur en vue d’un recrutement et de l’importance du poste de directeur ». Dès lors, la Cour a jugé souverainement que le remplacement de la salariée, 6 mois après son licenciement, était intervenu dans un délai raisonnable.

Note : Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Soc., 15 mars 2005, n° 03-41.746).

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a procédé au remplacement définitif du salarié dans un délai raisonnable après son licenciement (Cass. Soc., 15 novembre 2006, n° 04-48.192). Le caractère raisonnable du délai de remplacement varie en fonction du poste et de la facilité à recruter ainsi que des spécificités de l’entreprise.

En l’espèce, le délai de 6 mois a été jugé raisonnable pour l’embauche d’un directeur. Toutefois, ce délai serait différent pour un autre poste. La Cour a déjà jugé que l’embauche en CDI d’une salariée aide-soignante 2 mois après le licenciement était intervenue dans un délai raisonnable (Cass. soc., 11 juill. 2012, n° 11-16.370).

En revanche, l’embauche en CDI d’un chef d’atelier, 7 mois après le licenciement, n’a pas été jugé comme un délai raisonnable (Cass. Soc., 12 octobre 2011, n° 10-15.101). L’appréciation du caractère « raisonnable » du délai relève du pouvoir des juges du fond et varie au cas par cas.

Rappel : Le médecin du travail ne peut émettre un avis d’inaptitude du salarié à son poste que s’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste (art. L. 4624-4 du Code du travail).
L’avis du médecin du travail qui entraîne une modification du contrat de travail du salarié (passage des horaires de nuit à des horaires de jour) constitue-il un avis d’inaptitude ?

Cass. Soc., 24 mars 2021, n° 19-16.558

En novembre 2007, une salariée a été engagée par un Casino en qualité de caissière. En octobre 2018, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste de travail selon un avis rédigé en ces termes : « conformément à l’article R. 4624-42 du code du travail, confirmation de l’inaptitude au poste de travail de caissier. Contre-indication à tout travail de nuit après 22h ; possibilité de tout autre poste de travail respectant cette contre-indication ; capacité à bénéficier d’une formation ».

Contestant l’avis d’inaptitude, la salariée a saisi le CPH. La Cour d’appel a substitué à l’avis d’inaptitude, un avis d’aptitude avec des réserves concernant le travail de nuit effectué après 22 heures.

L’employeur s’est pourvu en cassation estimant notamment que « les restrictions constatées par le médecin du travail, lorsqu’elles impliquent l’affectation du salarié sur un autre poste ou la modification de son contrat de travail, ne peuvent conduire qu’à la formulation d’un avis d’inaptitude ».

En l’espèce, l’état de santé de la salariée ne lui permettait plus de travailler la nuit, de sorte que l’avis du médecin du travail emportait la modification de son contrat de travail (passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour), ce qui devait, selon l’employeur, s’analyser en un avis d’inaptitude.

La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et confirme la décision d’appel en s’appuyant sur les articles L. 4624-3 et L. 4624-4 du Code du travail, lesquels disposent :

  • « d’une part, que le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’état de santé physique et mental du travailleur » ;
  • « d’autre part, que ce n’est que s’il constate, après avoir procédé ou fait procéder à une étude de poste et avoir échangé avec le salarié et l’employeur, qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, que le médecin du travail déclare le travailleur inapte à son poste de travail ».

La Haute juridiction en déduit que le fait « que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en ellemême, la formulation d’un avis d’inaptitude ».

En l’espèce, les restrictions émises par le médecin du travail concernaient le travail de nuit après 22 heures, de sorte que la salariée pouvait occuper son poste avec des horaires de jour, ce que l’employeur avait aménagé depuis le mois d’août 2018.

Note : La modification du contrat de travail consécutive à des préconisations du médecin du travail doit faire l’objet d’un accord exprès du salarié (Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-14.754), lequel doit être formalisé dans un avenant au contrat de travail.

En cas de refus du salarié, il est conseillé à l’employeur de solliciter à nouveau très rapidement l’avis du médecin du travail, étant rappelé que la contestation de l’avis doit intervenir dans un délai de 15 jours devant le CPH. Passé ce délai, la demande est irrecevable (art. L 4624-7 du Code du travail).

Législation et réglementation

Conformément aux annonces du Gouvernement, un décret du 31 mars 2021 prolonge et adapte les différentes aides exceptionnelles accordées aux employeurs à la suite de l’embauche d’un jeune.

Ce texte est conforme au projet de décret diffusé le 23 mars dernier.

Aides à l’embauche d’alternants prolongées jusqu’au 31 décembre 2021

Le décret du 31 mars 2021 prolonge pour les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2021 :

  • la revalorisation de l’aide unique à l’apprentissage attribuée pour la première année d’exécution du contrat d’apprentissage à hauteur de 5 000€ si l’apprenti est mineur et 8 000€ s’il est majeur ;
  • l’aide exceptionnelle accordée aux employeurs d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation (Cf. Actu-tendance n° 574) en adaptant le dispositif dans certains territoires français ultramarins (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon).

Aide à l’embauche de jeunes de moins de 26 ans prolongée jusqu’au 31 mai 2021

L’aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans n’a pas pris fin le 31 mars 2021. Son terme a été prolongé au 31 mai 2021 en application du décret 31 mars 2021.

Jusqu’alors, le dispositif était ouvert pour les rémunérations inférieures à 2 Smic (Cf. Actu-tendance n° 549). Le plafond est ramené à 1,6 Smic pour les embauches réalisées depuis le 1 er avril 2021.

Aide pour un jeune en emplois francs jusqu’au 31 mai 2021

Le décret du 31 mars 2021 prolonge également jusqu’au 31 mai 2021 l’aide de l’Etat accordée pour le recrutement en emploi franc d’un salarié de moins de 26 ans.

Cette aide est ouverte aux employeurs qui recrutent notamment un jeune demandeur d’emploi ou un jeune suivi par une mission locale résidant dans un QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville), dans le cadre d’un CDI ou d’un CDD d’au moins 6 mois.

Cette aide devait prendre fin initialement le 31 mars 2021.

Pour les contrats conclus jusqu’au 31 mai 2021 avec des jeunes de moins de 26 ans, le montant de l’aide est égal :

  • à 7 000 € pour la première année, puis à 5 000 € pour les années suivantes, dans la limite de 3 ans, pour un recrutement en CDI ;
  • à 5 500 € pour la première année, puis 2 500 € pour l’année suivante, dans la limite de 2 ans, pour un recrutement en CDD d’au moins 6 mois.

Face à l’épidémie de Covid-19 et à ses conséquences sur l’emploi, l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage a été repoussée à 3 reprises.

Un décret du 30 mars 2021 reporte son entrée en vigueur au 1er juillet 2021 en prévoyant quelques adaptations.

Il en ira ainsi des règles relatives aux nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR), à la durée d’indemnisation et aux différés d’indemnisation.

Le dispositif bonus-malus entrera, quant à lui, en vigueur le 1 er septembre 2022.

Les nouvelles modalités de calcul du SJR

A compter du 1er juillet 2021, le SJR, qui sert de base au calcul de l’allocation chômage, sera calculé sur un revenu moyen mensuel prenant en compte les jours travaillés et les périodes d’inactivité.

Le Conseil d’État a jugé que ces nouvelles modalités de calcul du SJR entraînaient une rupture d’égalité entre les demandeurs d’emploi en emploi continu et ceux en emploi discontinu. Le décret du 30 mars 2021 a mis en place un plafonnement du nombre de jours d’inactivité pris en compte.

Le nombre de jours d’inactivité retenu ne pourra pas être supérieur à 75 % du nombre de jours calendaires correspondant aux périodes d’emploi prises en compte. En pratique, le texte prévoit que ce plafond sera « égal à 75 % du nombre de jours travaillés (…), converti sur une base calendaire par l’application du coefficient de 1,4 correspondant au quotient de 7 jours sur 5».

Le rétablissement du dispositif de bonus-malus par décret

La réforme de l’assurance-chômage prévoit d’instaurer un système de bonus-malus dans les entreprises de plus de 11 salariés appartenant à des secteurs d’activité dans lesquels le « taux de séparation » moyen est supérieur à un seuil de 150 %.

Le dispositif de bonus-malus vise à inciter les employeurs à proposer plus de contrats à durée indéterminée et des contrats à durée déterminée plus longs.

Un arrêté du 7 novembre 2019 a défini lessecteurs concernés par ce dispositif (industrie agroalimentaire, hébergement et la restauration etc.).

Dans ces secteurs, un « taux de séparation » doit être calculé pour chaque entreprise. Il correspond au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim constatées l’année précédente rapporté à l’effectif annuel moyen.

Le Conseil d’État a annulé ce dispositif au motif qu’il aurait fallu un décret et non pas un arrêté pour définir certaines modalités d’application. Ces modalités sont définies par le décret du 30 mars 2021 (liste des secteurs concernés, mode de calcul).

Afin de tenir compte des effets de la crise sanitaire sur l’ensemble des entreprises, le décret prévoit de différer la mise en œuvre du dispositif. À titre transitoire, les premiers taux modulés ne s’appliqueront qu’à compter du 1erseptembre 2022 et seront calculés sur la base du taux de séparation des entreprises constaté entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.

Le taux de contribution modulé ainsi obtenu sera applicable aux rémunérations dues au titre des périodes d’emploi courant du 1er septembre au 31 octobre 2022, le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 qui fixe le régime d’assurance chômage arrivant à son terme au 1er novembre 2022. Les dispositions du décret seront peut-être reconduites.

− Une durée minimale d’affiliation temporairement maintenue à 4 mois

La durée minimale d’affiliation requise pour l’ouverture et le rechargement des droits à indemnisation reste de 4 mois, au lieu des 6 mois prévus par le règlement d’assurance chômage, jusqu’à l’amélioration de la situation de l’emploi.

Cette disposition restera applicable au moins jusqu’au 30 septembre 2021.

− Le mécanisme de dégressivité aménagé

Suspendu en raison de la crise sanitaire, le mécanisme de dégressivité entrera en vigueur le 1er juillet 2021.

À compter de cette date, la dégressivité du montant de l’allocation de retour à l‘emploi (ARE) s’appliquera à partir du 9 ème mois d’indemnisation, et non du 7 ème mois comme le prévoyait le règlement d’assurance chômage.

Ce délai transitoire cessera de s’appliquer en cas d’amélioration de la situation de l’emploi.

Rappelons que cette dégressivité correspond à une baisse d’un maximum de 30 % du montant de l’ARE pour les chômeurs de moins de 57 ans dont la rémunération brute était supérieure à 4 500 € brut par mois.

Le décret précise les modalités de mise en œuvre des dispositifs exceptionnels de plans d’apurement et de remises partielles de dettes de cotisations et contributions sociales prévus à l’article 65 de la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020.

Ces dispositifs sont destinés aux entreprises rencontrant des difficultés de trésorerie.

− Plan d’apurement

Les employeurs pour lesquels des cotisations et contributions sociales restaient dues à la date du 30 juin 2020 peuvent bénéficier de plans d’apurement conclus avec l’URSSAF (VI de l’article 65 de la loi).

Ce plan d’apurement des dettes est conclu pour une durée maximale de 3 ans.

La durée et le montant de ce plan sont déterminés en fonction du nombre d’échéances déclaratives et de paiement dont l’employeur ne s’est pas acquitté de l’intégralité du paiement de ses cotisations et contributions sociales et de l’importance de la dette.

Le plan d’apurement peut comprendre également les dettes dues entre le 1 er janvier 2021 et le dernier jour de la période d’emploi du mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire, si le report de paiement a été autorisé par l’URSSAF.

− Remises partielles de dettes

L’entreprise ayant conclu un plan d’apurement peut solliciter une remise partielle des cotisations et contributions patronales constituées au titre des périodes d’activité entre le 1 er février 2020 et le 31 mai 2020 (VII de l’article 65 de la loi).

L’entreprise doit remplir plusieurs conditions cumulatives :

  • Être à jour des obligations déclaratives sociales à la date de la demande ;
  • Avoir constaté une baisse du chiffre d’affaires (CA) d’au moins 50% ;
  • Attester de difficultés économiques particulières la mettant dans l’impossibilité de faire face aux échéances du plan d’apurement ;
  • Attester avoir sollicité un étalement de paiement, des facilités de paiement ou des remises de dettes.

La demande de remise partielle de dettes doit être effectuée par la voie d’un formulaire dématérialisé.

La demande ne peut être acceptée qu’après le paiement par l’employeur de la totalité des échéances du plan comprenant les cotisations salariales.

La décision intervient dans un délai de 2 mois à compter de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, la demande est réputée refusée.

Le niveau maximal de la remise partielle est déterminé dans les conditions suivantes :

Le bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) a été mis en ligne le 8 mars 2021.

Il rassemble sur le site internet (boss.gouv.fr) toute la doctrine applicable en matière de cotisations et contributions sociales : instructions, circulaires, questions-réponses etc.

Un arrêté du 30 mars 2021 précise que la publication des circulaires et instructions sur ce site produit les mêmes effets qu’une publication sur Légifrance ou au bulletin officiel santé, protection sociale, solidarités.

Les textes figurant sur ce site sont opposables à l’Urssaf depuis le 1er avril 2021. Depuis cette date, l’employeur peut donc s’en prévaloir.